Les spectateurs

Dans nos villes nous sommes nombreux à avoir été les spectateurs des manifestations qui défilent dans les rues, les boulevards, les avenues et les ronds-points. Quand j’étais gamin, un week-end sur deux j’allais voir mon père qui vivait à Paris au troisième étage d’un immeuble parisien. Ma chambre donnait sur un grand boulevard et même avec un double vitrage, on entendait le bruit sourd des cortèges qui s’approchaient au loin. Il suffisait de tendre l’oreille pour reconnaitre ces bruits si particuliers des manifestations : le cri des sonos, les slogans repris par des milliers de personnes, les tambours… On entendait parfois les bruits de la violence, ces matraques qui tapent contre les boucliers, les gens qui courent, qui crient, les tires de gaz et le crépitement du feu.

Quand j’entendais tous ces sons qui s’approchaient, j’ouvrais ma fenêtre et je regardais, intrigué par ce qu’il se passait devant chez moi, je voulais comprendre. Il m’est arrivé de vouloir jeter des oeufs sur les racistes qui osaient défiler devant ma chambre, mais le plus souvent j’avais juste envie de vivre le bouillonnement social, descendre ces trois étages qui m’en séparaient pour me mêler aux luttes, mais je regardais, j’étais un spectateur.

Aujourd’hui je descends dans les rues de Paris pour photographier les manifestations, pour comprendre ce qu’il s’y passe et le retranscrire au mieux par l’image. Alors, j’en profite aussi pour photographier, surement avec un peu de nostalgie, ces acteurs involontaires que sont les spectateurs. Depuis leur fenêtre, derrière leur vitrine, à travers un grillage ou par hasard dans la rue, que ressentent-ils ? Essaient-ils de comprendre ? Est-ce qu’ils ont envie de rejoindre l'action pour y participer ou est-ce qu’on les dérange ? Est-ce qu’il y a de la colère, de la peur, de la joie ou de l’espoir en eux ?

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